Il faut que je vous dise… Les préjugés, sont une plaie… On les retrouve régulièrement dans les échanges médiatiques et sociaux. Les préjugés sont accusés de nombreux maux de notre société: racisme, homophobie, ségrégation en tous genres.
Pourtant, ils ne sont pas facile à ignorer. Fortement et profondément encrés en nous, il le sont à raison. Pour le comprendre, prenons des exemples simples:
- Le feu, ça brûle
- Celui-ci permettra, dès la vision de flammes, de savoir qu’il ne faut pas s’y frotter de trop près au risque de souffrir
- La glace, ça glisse
- Nous le savons tous, du moins sous nos latitudes, pour l’avoir expérimenter une fois ou l’autre. C’est pourquoi dès que nous voyons de la glace nous aurons tendance à marcher à pas de velours
- Mettre la main sous l’eau froide lorsque l’on se brûle soulage
- Hé oui. Malheureusement parfois on ne voit pas le feu assez tôt et hop. C’est alors que ce second préjugé entre en jeu
« Oh mais attends… Tu te moques de nous ? Le dernier est positif… Ce n’est pas un préjugé. Les préjugés sont négatifs ! C’est le mal… booouuhh… » penseront peut-être certains d’entre vous. Pourtant le Larousse nous en donne une lecture très claire: Les préjugés peuvent avoir une connotation aussi bien positive que négative.
Mais comment donc naissent-ils ?
Acquis par l’expérience ou par conditionnement, nos préjugés nous viennent de l’environnement extérieur. Pour l’exemple du feu, on nous l’a dit, puis nous l’avons certainement tous expérimenté au moins une fois. Il en va de même pour ceux sur les personnes. « Tout le monde sait bien » que les français sont des râleurs invétérés… mais comment le sait-on ? Par conditionnement: c’est quelque chose que l’on entend régulièrement de différentes personnes que l’on côtoie, et à la télévision; et par expérience: pour ceux qui ont, par exemple, travaillé avec des français, il est facile de reconnaître ce comportement qui concerne nombre d’entre eux… et je me permets cet exemple car eux-mêmes ne s’en cachent pas.
Prenons maintenant un autre exemple plus délicat (non, ne tirez pas…): « Tout le monde sait » que les noirs sont des flemmards…
… Ne me jetez pas la première pierre ! Ne prétendez pas ne l’avoir jamais entendu, voire jamais pensé. Et ce n’est pas grave. C’est un préjugé. Mais d’où vient-il ? Pour ma part, je l’ai entendu souvent par personnes interposées: Un noir ça remet tout au lendemain, ça travaille lentement… et je l’ai expérimenté à plusieurs reprises. Pas plus tard que la semaine dernière, je voyais une femme de couleur, serveuse dans un restaurant, y aller doucement… une chose après l’autre… sans se presser… Je n’ai pu empêcher mon préjugé de surgir pour ensuite reconnaître qu’elle était aussi, sinon plus efficace qu’une autre serveuse hyper stressée qui fait tout en courant, et ce faisant, stresse sa clientèle… mais donne l’impression de bosser si dur…
Bien sûr, je m’offusque comme vous (ou pas) face à ces pensées qui d’une certaine façon ne m’appartiennent pas. Les préjugés nous sont imposés par notre inconscient. Nous n’avons pas le temps de nous demander si, et quand ils vont surgir.
Mais alors à quoi servent-ils ?
Techniquement, ils permettent à notre cerveau d’évaluer une situation instantanément, afin de nous faire adopter la meilleure attitude pour y faire face. Revenons à nos origines animales (si si… je vous assure, nous sommes des animaux):
- Face à un prédateur, immédiatement l’animal sait qu’il doit fuir ou se défendre pour sa survie. Il n’a pas besoin d’attendre de voir ce qu’il se passe. Pour autant qu’il ait appris (conditionnement) le danger que représente un prédateur et à le reconnaître, ou qu’il se soit fait agressé (expérience) et a eu la chance d’en réchapper
- Devant un marécage il sait qu’il est dangereux de s’y aventurer, car il a vu un ou plusieurs de ses congénères s’y noyer ou s’y faire ensevelir (expérience), ou ses parents l’ont fortement réprimandé lorsqu’il s’en approchait (conditionnement)
- Face à une proie, il ne va pas se demander longtemps quoi faire. Il sait que s’il réfléchit trop longtemps à sa stratégie, sa proie va lui échapper et il aura faim (expérience)
Le préjugé est essentiel à notre survie. A travers ces trois exemples, il est facile de comprendre que sans eux nous ne saurions rester en vie bien longtemps et nos ancêtres n’auraient pas su assurer leur descendance.
Revenons à nos jours:
- Face à un noir, je m’impatiente car je considère que le boulot ne sera pas fait dans les temps que j’estime raisonnables selon mon point de vue, mon expérience, ma culture
- Face à un marocain, je me méfie car je suis convaincu qu’il va essayer de marchander, de m’arnaquer
Vous reconnaîtrez aisément quantité d’autres préjugés. Certains sont pour ainsi dire universels, d’autres vous appartiennent. Vous les avez reçus de vos parents et grands parents, de vos aïeux sur plusieurs générations, de vos profs, de vos collègues, de vos amis, des médias, bref, de tout ce qui vous a entouré et vous entoure aujourd’hui.
A propos des marocains qui « sont tous » des marchands de tapis, qui n’a pas entendu parler de vacances au Maroc, des visites sur le souk, du marchandage quasi obligatoire au risque de passer pour impoli ? C’est ainsi que l’on m’a rapporté la plupart du temps ces expériences. Facile à partir de là d’avoir un préjugé, et de développer une méfiance vis-à-vis des Marocains.
Il arrive pourtant qu’on découvre qu’un préjugé est erroné. Par exemple, le voyage est connu pour ouvrir l’esprit. Il y a quelques années, je suis parti au Sénégal pour une semaine de vacances, hors de tout circuit touristique. J’ai rencontré des sénégalais et j’ai appris beaucoup sur leur mode de vie, leur approche communautaire et la différence culturelle entre nos sociétés, et j’ai compris que le préjugé que j’avais sur les noirs et leur flemmardise avait un fondement décalé. Si chez nous nous considérons cela comme de la paresse, il s’agit en fait d’une différence de rythme, et d’objectif. C’est le résultat d’un choc culturel.
Alors comment faire la différence ?
Pour résoudre le problème épineux de l’impact des préjugés sur nos actions, il est d’abord essentiel de comprendre et d’admettre que l’on ne les choisit pas, et que notre cerveau nous les impose lorsqu’il les estime nécessaires. C’est donc par l’observation de son corps et de ses pensées que l’on va reconnaître et identifier ses propres préjugés. Malaise, stress, pensées négatives, agressivité ou irritabilité qui peuvent nous envahir, et survenir systématiquement face à la même situation, ou au même type de rencontres rien que de les voir. Une fois cette reconnaissance établie, il s’agit, comme j’en parle dans un précédent article sur mon autre blog 1) de reconnaître le jugement qui en découle, et de lui redonner sa place de jugement.
Espérer ne plus voir de préjugés surgir, et ne plus juger est illusoire et culpabilisant.
Nous l’avons vu, être conscient de nos préjugés et de nos jugements est le premier pas. Les reconnaître pour ce qu’ils sont et admettre qu’ils ne sont pas vérité. Abandonner les généralités. S’éduquer soi-même, puis, éduquer les autres. Autour de nous, lorsque l’on voit des préjugés surgir, il ne sert à rien d’attaquer ceux qui les laissent s’exprimer. C’est le meilleur moyen de les braquer. Il faut écouter, comprendre, admettre qu’ils ont le droit d’avoir ces préjugés, puis leur démontrer que ce ne sont que des préjugés. Les aider à devenir conscient comme vous l’êtes devenu.
Et le plus important de tout, transmettre aux enfants cet apprentissage pour leur permettre, très vite, de reconnaître ces mécanismes automatiques. Leur apprendre qu’ils sont normaux, qu’ils ne sont pas graves, et qu’il est important de les reconnaître et de les remettre en question pour que l’avenir soit emprunt de plus de préjugés positifs que négatifs. C’est par eux que les générations futures pourront, petit à petit, être nettoyées de préjugés souvent transmis depuis plusieurs générations. C’est par eux que le changement viendra.