Comment j’ai arrêté d’être une victime

Il faut que je vous dise… ce soir, j’ai témoigné sur la Ligne de Coeur, une émission radio de la RTS. Après une sortie cinéma plaisante, j’ai repris ma voiture et allumé la radio. J’ai alors entendu des témoignes sur ce sujet qui me touche particulièrement: Les Pervers Narcissiques. Au vu du nombre d’appels et de messages, je constate à quel point le sujet est brûlant et d’actualité. Aussi, je prends le parti, ce soir, de poser mon témoignage ici.

[Je reviens au début de cet article. Voici une bonne heure que je le rédige, et je me rends compte à quel point ce que j’ai à dire sur le sujet est extensif. Je ferai donc ces prochains temps plusieurs articles. Celui-ci sera le premier de la série.]

J’ai déjà écrit il y a quelques temps un article sur le sujet sur le blog qui porte mon nom. Vous pouvez le lire s’il vous en dit. Il sera peut-être redondant au contenu de cet article dont je ne sais encore rien, car je suis en train de le créer.

En juillet 2013, après deux ans de deuil sur ma dernière relation après une rupture très douloureuse, je suis venu à la conclusion que mon ex était une personne au comportement pervers narcissique. C’est à cette occasion que j’ai découvert que mon chef du moment l’était également. Ce fût un choc. Que dis-je, un véritable tsunami. Cette impression que jamais ça ne changerait. Que d’année en année, de rencontre en rencontre, je continuerais à tomber sur ce type de personnes. Heureusement, j’avais eu deux ans pour me préparer. Et ce n’est probablement pas un hasard si c’est à ce moment-là que la lumière s’est faite sur ma condition de victime de personnes au comportement pervers narcissique.

Il faut pourtant remonter quelques années plus tôt pour découvrir le début de mon cheminement. Un jour de 2011, peu après ma rupture, alors que je me promenais dans les rayons d’une librairie, je suis tombé nez à nez avec un livre qui m’a littéralement sauté dans les bras. Son titre était « Je Pense Trop – Comment canaliser ce mental envahissant » 1). Il faut savoir que je me posais déjà la question de mon intelligence. Autodidacte, j’ai fait une carrière dans l’informatique couronnée de succès. A 22 ans, je gérais une équipe. A 24 ans, j’étais le garant de la qualité du support d’une multinationale, numéro un mondial dans son domaine. J’avais des conversations avec des managers étrangers de deux fois mon âge et qui géraient des équipes énormes, et j’avais pour tâche de leur dicter leurs actions pour le bien de nos clients suisses. J’étais alors incapable de comprendre, de réaliser mes accomplissements. Tout ça me paraissait banal, anodin, à la portée de tous. Aujourd’hui, je sais qu’à ce moment-là, j’étais déjà sous l’emprise d’un pervers narcissique au travail.

Au cours du temps, j’ai eu souvent eu l’impression d’être en décalage avec les autres, de comprendre mieux, plus vite, et il m’est arrivé de demander à ma psychiatre d’alors, Valérie Le Goff-Cubilier, à une époque où elle parlait encore peu de son sujet aujourd’hui de prédilection – et qui publiera en 2013 un livre sur le sujet qui nous occupe 2) – si j’étais « plus intelligent » que la moyenne ou si je faisais un complexe de supériorité. Ayant d’autres choses à travailler, ce sujet n’a pas été creusé à l’époque.

Mais revenons à ce livre: lorsque j’en ai vu le titre, j’étais dans une période de profonde remise en question. La rupture venait d’être confirmée. Je prenais conscience que j’avais passé ma vie à m’occuper des autres, et à me manquer de respect. Je m’étais manqué de respect comme jamais je n’aurais osé en manquer à qui que ce soit d’autre. J’ai alors décidé de travailler fermement à me remettre en centre de ma propre vie.

A sa lecture, je me suis reconnu page après page. Il m’a apporté des réponses quant à mon fonctionnement, au décalage que je ressentais depuis que j’étais enfant. C’est véritablement là que mon travail personnel a commencé. C’est à la lecture de ce livre que tout ce qui se passera en moi les années suivantes s’est amorcé. Et c’est dans ce cheminement qu’en 2013, j’ai pris conscience de ma position de victime.

Si je vous raconte tout cela, c’est que ça a son importance par rapport à ce qui s’est passé ensuite. Revenons donc en août 2013. J’ai à peine fait le deuil de ma relation. J’ai réalisé à cette même occasion que j’étais victime d’un pervers narcissique au travail, et bien sûr, je prends alors la mesure de la répétition d’un schéma dans ma vie. J’ai dès lors décidé: « Plus jamais ça ». Dès le lendemain de cette prise de conscience, j’ai pris contact avec le Docteur le Goff-Cubilier et l’ai avertie de ma volonté de travailler sur le sujet. Il est toutefois important de comprendre de quel sujet on parle: le sujet n’est pas « les pervers narcissiques ». Le sujet c’est « la victime de pervers narcissiques ». Moi. Car j’ai compris que c’était moi, et moi seul qui pouvait me remettre en question.

A commencé alors un travail intensif de trois mois. Le Docteur Le Goff m’a adressé pour l’occasion à un confrère psycho-pédagogue, et celui-ci m’a, comme j’aime à le dire, donné pendant trois mois des claques avec pédagogie. C’est ici que tout le travail de « préparation » de 2011 à 2013 a été essentiel. En effet, comme j’étais en période de reconstruction, comme j’avais pris conscience que j’avais une grande part de responsabilité dans le fait d’être une victime, j’étais prêt à entendre des vérités que je n’aurais probablement jamais pu supporter quelques années auparavant. J’aimerais partager avec vous deux de ces vérités. Deux vérités qui ont été pour moi les plus difficile à entendre, à accueillir et à accepter:

Lors d’un entretien, alors que nous discutions depuis un moment, le psycho-pédagogue me regarda et me dit:

« Monsieur Sissaoui, votre égo est nettement plus démesuré que celui de votre pervers narcissique de chef ».

Je suis resté bouche bée… sonné… assommé. Je ne comprenais pas où il voulait en venir. Pourtant, j’étais en face d’un professionnel dont le but était de m’amener à prendre conscience de ma responsabilité. Le temps de reprendre mes esprits, je l’ai regardé et l’ai enjoint:

« Sur ce coup là, il va falloir développer ! ».

C’est alors qu’il m’a balancé une vérité que je suis encore aujourd’hui incapable d’invalider:

« Vous êtes tellement sûr que c’est vous qui avez raison, vous êtes tellement convaincu que vous faites juste que vous vous accrochez à tous prix. Vous vous accrochez de toutes vos forces persuadé qu’il faudra bien qu’un jour ce soit reconnu. Pendant ce temps-là, on peut vous faire tout ce qu’on veut. Vous bousculer, vous frapper, vous détruire. Qu’importe: vous avez raison, et vous ne lâcherez pas, quoi que vous subissiez ».

Ce jour-là, je suis sorti de mon entretien complètement déstabilisé. Il avait raison. Prendre la mesure de cette vérité a été très douloureux. Un autre jour, alors que je m’accrochais fermement au fait que mon chef était un pervers narcissique et donc moi sa victime, il me dit:

« Mais on s’en fout que ce soit un pervers narcissique. »

Une autre baffe. Comment pouvait-il dire ça. Il a été tellement difficile pour moi de réaliser, d’accepter que c’était le cas, de lutter contre les remarques des personnes tierces qui me disaient que j’avais tort, que je me faisais des idées… Comment ce professionnel pouvait me dire une chose pareil ? Moi, en colère:

« Mais non on s’en fout pas ! je m’accroche à ça. C’est la raison de ma lutte. »

S’en suit alors un échange:

« Monsieur Sissaoui, vous êtes bien dans votre position ? »
« Non »
« Pourquoi vous restez ? »
« … »
« Pourquoi vous restez si vous n’êtes pas bien ? Parce que vous êtes convaincu qu’il a tord et que vous avez raison ! »
« … »
« Mais on s’en fout de qui a tort ou qui a raison. Si vous n’êtes pas bien, barrez-vous !!! »

Encore une fois, c’était une évidence. Ces deux vérités ont été pénibles à entendre. Elles ont pourtant été salvatrices. C’est en prenant la mesure de ce fonctionnement que j’ai pu, petit à petit, prendre du recul, apprendre à mettre ma loyauté au bon endroit, et accepter de me détacher de ce qui était juste ou faux pour me concentrer sur ce qui était juste pour moi, et pour moi seulement.

Pour ce soir, je vais m’arrêter ici. Il y a encore tellement à dire. Je suis conscient que pour certains d’entre vous, la lecture de ces « vérités » va être un choc. Probablement que parmi vous, il y a en a qui auront envie de crier au scandale, comme j’en ai eu envie alors. Pourtant, la plus grande vérité que j’ai appris sur moi même c’est que j’étais seul responsable de rester la victime d’un pervers narcissique.

Entendons-nous bien: Je ne suis pas responsable d’être tombé sous le charme des pervers narcissiques. Ces personnes sont très très fortes en séduction. Elles en ont une maîtrise impeccable et personne ou presque ne peut échapper à leur charme. J’en veux pour preuve la difficulté voire l’impossibilité à être reconnu victime par les gens qui entourent le pervers narcissique. Ma responsabilité est d’avoir accepté les remises en question, les remarques désagréables. Ma responsabilité est d’avoir cherché la reconnaissance à l’extérieur alors que j’étais incapable de me la donner à moi-même. Ma responsabilité est d’avoir accepté l’inacceptable. Ainsi, la première année de notre relation, mon ex m’annonçait « j’ai honte de te présenter à mes amis ». Je suis pourtant resté plus de 5 ans avec lui. Je reviendrai sur cette petite phrase dans un autre article.

Bien sûr, on est toujours plus intelligent après. C’est bien parce que j’ai traversé tout ça que je peux aujourd’hui vous en parler. j’ai donc été comme vous, avant vous, le nez dans le guidon. Pendant des années, j’ai subi et accepté de subir.

Ca s’est arrêté le jour où j’ai pris la mesure de ma responsabilité. Le jour où j’ai travaillé à me mettre au centre de ma propre vie. Ma responsabilité est d’avoir donné du pouvoir à mes bourreaux, et d’avoir été moi-même mon pire bourreau.

Si je devais donner un message ce soir aux personnes qui se reconnaissent, qui pensent être actuellement victimes de personnes au comportement pervers narcissique dans leur couple, au travail, c’est de commencer à se remettre au centre de leur propre vie. Voici quelques pistes:

  • Entendez les compliments des personnes tierces à votre sujet. Si quelqu’un dit que vous êtes intelligent, beau, gentil, attentionné, efficace, créatif, ne pensez pas que c’est juste pour vous faire plaisir. Dans ma vie, j’ai souvent eu des compliments. J’étais incapable de les entendre, et me dénigrait sans cesse.
  • Réévaluez votre échelle de valeur: Vous êtes probablement perfectionniste. Vous êtes probablement très exigent avec vous-même. Vous estimez probablement que vous rendez un travail bâclé alors qu’on vous couvre d’éloge sur sa qualité: Acceptez que c’est VOUS qui vous trompez, que c’est vous qui vous dévaluez.

Je n’ai pas lu le livre de Valérie Le Goff-Cubilier, toutefois, je le recommande à toute personne qui serait concernée dans son couple.

Pour ce qui est du livre de Christel Petitcollin, si vous vous reconnaissez dans le titre, lisez-le. Et ne commencez pas à vous dénigrer avant de commencer. Lisez-le simplement. Si vous vous reconnaissez, ce sera le début d’un merveilleux voyage. Le début de votre nouvelle vie.

Pour les plus téméraires, je vous invite à lire l’excellent livre de Jean-Charles Bouchoux au sujet des pervers narcissiques3). Il vulgarise très bien le travaille de Paul-Claude Racamier4), premier psychiatre a avoir publié sur le sujet.

Si vous avez des questions, des commentaires, vous pouvez les poser ci-dessous ou sur la page Facebook du blog, soit ci-dessous. Vous pouvez également me contacter en message privé en utilisant le formulaire de contact.


Références:

1) Christel Petitcollin – Je Pense Trop – Comment canaliser ce mental envahissant
2) Valérie Le Goff-Cubilier – Comment survivre au mariage avec un pervers narcissique
3) Jean-Charles Bouchoux – Les pervers narcissiques
4) Paul-Claude Racamier sur Wikipedia

3 réactions sur “ Comment j’ai arrêté d’être une victime ”

  1. Ping La victime, seule au monde – Faut que je vous dise

  2. Ping La revanche de la victime, ou comment transformer l’échec – Faut que je vous dise

  3. Ping Tout vient à point à qui n’attend rien – Faut que je vous dise

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